La gestion des bioagresseurs se complique

Agricorner Pomme de terre / La gestion des bioagresseurs se complique

Parole d'expert - bioagresseurs

Face aux retraits de matières actives, la production de pommes de terre est confrontée à des difficultés croissantes en particulier pour la gestion des adventices et des viroses transmises par les pucerons. A contrario, le traitement des plants et les moyens de lutte contre le mildiou permettent une maîtrise satisfaisante pour le moment.

Dans un contexte évolutif, Cyril Hannon, animateur de la filière pommes de terre à Arvalis-Institut du Végétal et Bernard Quéré, directeur d’inov3PT*, confient pistes et recommandations afin de maîtriser les bioagresseurs.

Les pucerons apparaissent comme une menace croissante aujourd’hui. Quelles sont les perspectives ?

Bernard Quéré : Je dirai que nous sommes à un tournant. Nous constatons de nombreux refus et déclassement liés notamment aux viroses sur les variétés sensibles. La filière est donc contrainte de prendre en compte ce critère aujourd’hui.
Les producteurs, déjà bien formés à la reconnaissance des virus, devront renouveler les efforts pour assurer les épurations.
Pour les aider ainsi que les inspecteurs, nous espérons que des outils d’imagerie autoriseront demain une reconnaissance des premiers signes avant même l’apparition des symptômes.
Nous travaillons à plusieurs pistes telles que les cadences, les doses et la localisation de l’application des huiles minérales en fonction du développement foliaire. Nous testons également un radar pour suivre les vols de pucerons. Celui-ci permettrait une détection environ 3 à 4 jours avant leur arrivée sur la culture. Le développement de modèles de prédiction de vols pourrait faciliter à terme la planification et l’optimisation des traitements.
Cyril Hannon : Cette évolution préoccupante est liée à l’absence de solution insecticide probante sur pommes de terre. En effet, les pyréthrinoïdes présentent l’inconvénient de détruire les auxiliaires qui jouent un rôle essentiel.
La vigilance s’impose à présent sur l’ensemble de la saison de même que l’adoption de mesures de prophylaxie consistant en l’élimination des déchets et repousses.

image maïs
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La disparition des matières actives concerne aussi le désherbage. Quels sont vos conseils pour maîtriser la pression adventice ?

Cyril Hannon : La métribuzine pourrait être retirée en 2025, le prosulfocarbe est déjà soumis à des restrictions. Si elle intervient, la disparition de ces deux molécules de base pour le désherbage des pommes de terre compliquera la gestion des adventices.
En effet, le désherbage mécanique présente des limites dans le cas de surfaces importantes et selon les conditions climatiques. La question de son impact carbone pourrait également se poser.
Néanmoins, une bonne efficacité peut être obtenue avec un à trois rebutages ou un passage de herse étrille. Dans ce dernier cas, le réglage doit éviter un débuttage lié à l’agressivité des dents.
Bernard Quéré : La culture de pommes de terre sera durement affectée par le retrait annoncé des matières actives. En outre, des problèmes de sélectivité de la métribuzine sont constatés sur certaines variétés.
Nous lançons plusieurs travaux autour des solutions de désherbage mécanique, robotique et de test d’autres substances actives. Nous recherchons notamment des options mécaniques adaptées à la conduite en billon.

Que conseillez-vous pour maîtriser les traitements herbicides à ce jour ?

Cyril Hannon : Les interventions étant réalisées sur un sol qui n’est pas plat en culture de pomme de terre, le vent peut à lui seul limiter l’efficacité du désherbage avec un pan de la butte non traité. Par ailleurs, plus qu’un sol humide lors de l’intervention, l’efficacité du traitement est favorisée par 10-15 mm d’eau dans la semaine qui suit. Cette intervention doit être réalisée avant la levée. Ce désherbage en prélevée doit être adapté à la flore de la parcelle. Une forte infestation implique l’utilisation d’un mélange avec des molécules à spectre large. Le datura, du fait de sa toxicité humaine doit faire l’objet d’une attention particulière d’autant que peu de molécules sont actives. Enfin, un désherbage localisé est possible en association avec la mécanisation mais implique que les conditions soient propices aux deux techniques.

A l’inverse de ces deux problématiques de plus en plus difficiles à maîtriser, le traitement des plants offre des solutions probantes face à plusieurs pathologies. Que recommandez-vous ?

Cyril Hannon : Les plants même certifiés ne sont pas forcément indemnes de rhizoctone, gale ou dartrose. Les traiter permet de lutter contre ces maladies qui vont se transmettre aux filles et sont plus particulièrement importantes pour le marché du frais.
Le risque en cas d’impasse est d’avoir une levée hétérogène, une baisse des rendements et des problèmes de présentation. Une récolte déclassée représente ainsi plusieurs milliers d’euros de perte alors qu’un traitement liquide sur table à rouleaux est efficace à plus de 95 %.
Pour autant, il ne doit pas être systématisé. J’invite donc les producteurs à laver une centaine de tubercules de chaque lot de plants pour voir si ces pathologies sont présentes. Des plants indemnes autorisent des interventions plus légères.
Le traitement doit être réalisé dans les jours ou semaines avant plantation. Assez complexe, il est mis en œuvre sur plants non germés et il convient de veiller à leur bon séchage. Les conditions d’application doivent enfin être bien respectées pour éviter la phytotoxicité.

Le mildiou peut lui aussi impacter durement la culture de pommes de terre. Quelle est la situation à ce jour ?

Bernard Quéré : Cette pathologie est plutôt bien gérée actuellement mais nous devons être vigilants pour éviter l’apparition de souches de mildiou résistantes aux fongicides comme au Danemark. Les programmes alternant les matières actives doivent donc être appliqués. Nous disposons également de variétés présentant de bons niveaux de résistance à cette maladie. Malheureusement, elles ne représentent que 7 % des surfaces en multiplication de plants car certains critères de présentation de ces variétés ne satisfont pas la distribution.
Cyril Hannon : Avec le mildiou, c’est de plus en plus tout ou rien. Cette maladie explosive peut détruire jusqu’à 100 % de la récolte. Un hiver doux et un printemps humide y sont particulièrement favorables. En cas d’attaque précoce dès la levée, toutes les feuilles peuvent avoir été détruites en 15 jours.
La première cause de contamination provient de réservoirs en particulier les écarts de triage. Ainsi, une bonne prophylaxie permet de retarder l’arrivée du mildiou. Une gestion attentive des repousses est également importante.
Réalisée en préventif, l’intervention se base sur des modèles de risque en fonction des conditions climatiques, de la pression pathologique et du stade de la culture. Il convient d’éviter les épisodes de pluie ou d’irrigation juste après traitement pour pouvoir respecter les préconisations de temps de séchage.

* Institut technique du plant de pomme de terre

 

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Élise, experte rédaction
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