La direction des statistiques du ministère de l’Agriculture (Agreste) a dévoilé, ce 15 avril 2025, ses nouvelles estimations pour les surfaces cultivées en France pour la campagne 2024-2025. Derrière les chiffres, c’est une transformation en cours du paysage agricole français qui se dessine. Variations marquées entre céréales, oléagineux, protéagineux et cultures industrielles : les producteurs adaptent leur stratégie dans un contexte de marché fluctuant, de contraintes climatiques et d’évolutions réglementaires.
Céréales : des rééquilibrages en cours
Le blé tendre, culture phare de l’Hexagone, semble connaître un regain d’intérêt. Avec une sole estimée à 4,63 millions d’hectares, les surfaces progressent de 10 % par rapport au point bas de 2024. Néanmoins, elles restent dans la moyenne des cinq dernières années. Ce rebond s’explique par une météo hivernale plus favorable et une volonté de sécuriser les revenus dans un contexte où les débouchés à l’export se maintiennent.
À l’inverse, le blé dur continue de perdre du terrain, atteignant son plus bas niveau depuis plus de 30 ans. Avec 220 000 hectares prévus, les surfaces chutent de 7 % sur un an. La filière pâtes, historiquement concentrée dans le Sud, souffre de la volatilité des cours et d’une concurrence internationale accrue.
Du côté de l’orge, la baisse est modérée (-3,6 %), mais confirme une tendance à la réduction, notamment dans les zones où les contraintes hydriques deviennent plus fortes. En revanche, le triticale (+18 %) et l’avoine (+11 %) bénéficient d’un regain d’intérêt, portés par des débouchés en alimentation animale ou par leur rôle dans la diversification des systèmes.
Oléagineux et protéagineux : des signaux contrastés
Le colza continue de regagner du terrain. Malgré une légère baisse sur un an (-3 %), les surfaces restent supérieures à la moyenne des cinq dernières années. La filière oléagineuse, portée par la demande en huiles végétales et en biocarburants, retrouve une forme de stabilité après les reculs marqués de 2020 à 2022.
En revanche, les protéagineux confirment leur déclin. Les pois affichent un nouveau recul (-4,6 %), après déjà -19 % en 2024. Les surfaces de féverole et de lupin doux stagnent, mais restent en dessous des niveaux moyens.
Voici les grandes tendances observées dans ce segment :
- Le colza s’installe durablement comme une culture de référence malgré sa sensibilité au climat.
- Les protéagineux souffrent d’un manque de rentabilité et de débouchés clairs à court terme.
- Les politiques de soutien à la souveraineté protéique peinent encore à inverser la dynamique.
- Les choix des agriculteurs privilégient souvent les cultures à la fois stables économiquement et mieux maîtrisées techniquement.
Cultures industrielles : un repli mesuré mais structurel
La betterave industrielle enregistre un recul de 4,9 %, à 390 000 hectares. Si cette baisse semble contenue, elle ramène la filière à ses niveaux historiquement bas de 2023. Entre incertitudes sur les prix, difficultés de protection phytosanitaire, et pression environnementale, la filière sucrière poursuit son recentrage, avec des enjeux de concentration de la production.
Côté pommes de terre de conservation, les surfaces devraient légèrement baisser par rapport à 2024. Toutefois, elles restent supérieures à la moyenne 2020-2024, traduisant une relative confiance dans la filière, même si les risques climatiques (sécheresse, excès d’eau) pèsent sur la performance des campagnes.
Des choix guidés par la recherche d’équilibre
Les estimations d’Agreste confirment que les décisions d’assolement sont de plus en plus dictées par un triple impératif : sécuriser un revenu dans un marché incertain, intégrer les contraintes agronomiques croissantes (ressources en eau, rotation, résistance), et répondre aux incitations publiques, en particulier celles liées à la PAC ou aux objectifs de transition agroécologique.
La recomposition du paysage cultural français n’est pas brutale, mais elle est constante. Elle dessine des trajectoires régionales différenciées, où certains bassins revalorisent des cultures secondaires (triticale, avoine, lin) pendant que d’autres s’accrochent à leurs piliers historiques, en les adaptant.
Conclusion : vers des systèmes plus souples mais sous tension
Les choix d’assolement 2024-2025 montrent une forme d’adaptabilité du monde agricole, mais aussi une tension permanente entre viabilité économique, exigences climatiques et mutations sociétales. Si certaines cultures reprennent des couleurs (blé tendre, colza), d’autres semblent en perte de vitesse durable (blé dur, protéagineux). La diversité des cultures reste une richesse, mais son maintien nécessitera des leviers d’accompagnement puissants.
La prochaine étape sera celle des conditions de culture au printemps et à l’été. Car au-delà des intentions de semis, ce sont les rendements et la qualité qui conditionneront la solidité de ces équilibres.