
Le 20 mai 2025, le ministère de l’Agriculture a annoncé une réduction sans précédent du budget de l’Agence Bio, l’organisme chargé de promouvoir l’agriculture biologique en France. Cette décision, présentée comme un ajustement budgétaire dans un contexte économique difficile, suscite l’inquiétude des professionnels du secteur, des élus locaux et des acteurs de la transition agroécologique. Plus qu’un simple redéploiement financier, il s’agit d’un tournant politique qui remet en question les ambitions de la France en matière de développement du bio.
Une baisse de budget drastique
Le budget total alloué à l’Agence Bio pour 2025 est réduit de manière drastique : il passe de plus de 23 millions d’euros en 2024 à seulement 8,6 millions d’euros cette année, soit une baisse de 64 %. Deux postes sont particulièrement touchés. Le premier est le fonds Avenir Bio, destiné à financer des projets de structuration des filières biologiques : il chute de 18 millions d’euros à 8,6 millions. Le second est le budget communication, tout simplement supprimé.
Cette décision intervient alors que le marché du bio, après une forte croissance entre 2015 et 2020, connaît depuis deux ans un ralentissement marqué. En 2023 et 2024, les ventes ont stagné, voire reculé dans certaines grandes surfaces, en partie à cause de l’inflation et de la perte de pouvoir d’achat des ménages.
Une justification budgétaire, un effet politique
Le ministère de l’Agriculture justifie cette coupe par un "contexte budgétaire compliqué", notamment dû à la fin du plan de relance post-Covid et à la réduction des financements issus de la planification écologique. L’objectif affiché est de "prioriser les crédits sur les projets structurants".
Mais cette justification budgétaire ne convainc pas les professionnels. Pour eux, la suppression du budget de communication signifie un recul stratégique. La promotion du bio ne se limite pas à faire connaître un label : elle est un levier indispensable pour maintenir la demande et affirmer une cohérence politique à long terme.
En effet, la France s’est engagée à atteindre 18 % de la surface agricole utile en bio d’ici 2027. Aujourd’hui, cette part est de l’ordre de 10 %. Sans soutien financier fort, il est peu probable que cet objectif soit atteint.
L’Agence Bio en sursis
Plus préoccupant encore, plusieurs sources au sein de l’administration laissent entendre que l’avenir même de l’Agence Bio est en question. Une possible fusion avec d’autres opérateurs, ou même une suppression, est évoquée dans le cadre de la réforme de l’organisation de l’État.
L’Agence Bio a exprimé son désaccord dans un communiqué, qualifiant la baisse de ses moyens de "recul historique" et alertant sur "l’incapacité à remplir ses missions de service public dans des conditions décentes".
Une contradiction avec les discours sur la transition
Cette décision crée une fracture entre les discours publics sur la nécessité d’accélérer la transition agroécologique, et les actes concrets du gouvernement. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics affirment vouloir promouvoir une alimentation plus durable, locale et respectueuse de l’environnement.
En coupant dans les moyens de l’Agence Bio, le gouvernement adresse un signal négatif non seulement aux agriculteurs engagés, mais aussi aux consommateurs et à l’ensemble des territoires ruraux.
Une filière en désarroi
La Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) a dénoncé un "désengagement brutal" de l’État. Plusieurs élus locaux ont exprimé leur incompréhension. Des entreprises de transformation ou de distribution craignent aussi un effet domino : moins de visibilité, moins de ventes, moins d’investissement dans l’innovation.
Une vision à court terme ?
Peut-on espérer une transformation durable du modèle agricole français sans un soutien massif, stable et cohérent à ses piliers les plus engagés ? En réduisant les moyens du bio au moment même où celui-ci fait face à des défis structurels, le gouvernement semble parier sur d’autres leviers de transition, peut-être plus technologiques ou plus centralisés.
Mais ce choix pourrait coûter cher à long terme : perte de diversité agricole, découragement des producteurs, ralentissement de l’innovation environnementale, et déconnexion croissante entre les engagements climatiques et leur traduction en politique publique.
Conclusion
La coupe dans le budget de l’Agence Bio n’est pas une simple ligne comptable. C’est un indicateur politique majeur. Le soutien public au bio est une condition sine qua non pour maintenir une trajectoire crédible vers une agriculture durable, résiliente et cohérente.
Les mois à venir diront si cette décision est conjoncturelle, ou si elle inaugure une nouvelle ère où le bio serait relégué au second plan. Dans tous les cas, il appartient désormais aux acteurs de la filière, aux élus et aux citoyens de se mobiliser pour défendre un modèle qui reste, malgré les turbulences, une réponse forte aux défis agricoles, climatiques et alimentaires du XXIe siècle.