
Le 28 avril 2025, une coupure d’électricité sans précédent a paralysé l’Espagne et le Portugal pendant près de 20 heures. Une panne qui, au-delà de ses conséquences techniques, a brutalement mis en lumière la dépendance et la fragilité du secteur agroalimentaire européen.
En Espagne, une chaîne agroalimentaire à l’arrêt
Tout commence peu après midi, avec une perte soudaine de 15 GW de puissance électrique sur le réseau ibérique. Transports, télécommunications, industries : tout est à l’arrêt. Les centrales nucléaires sont désactivées en urgence, les systèmes de réfrigération ne répondent plus, et des centaines d’usines, y compris agroalimentaires, ferment temporairement.
La Fédération espagnole des industries de l’alimentation et des boissons (FIAB) rapporte des arrêts complets de production dans plusieurs régions agricoles clés : Murcie, Valence, Andalousie.
« Les systèmes de réfrigération, de transformation et de conditionnement sont totalement dépendants de l’électricité. Une interruption de plusieurs heures suffit à compromettre la qualité sanitaire des produits. » — FIAB
Fruits, légumes, viandes, produits transformés : toute la chaîne est touchée. Faute de froid ou de logistique, certains produits sont perdus. Difficile pour l’instant d’évaluer le coût global, mais la FIAB parle déjà de « pertes importantes » et d’un retour progressif à la normale.
La France, victime collatérale
La coupure a des répercussions immédiates côté français. Au marché international de Saint-Charles à Perpignan, 90 % des camions attendus en provenance d’Espagne n’arrivent pas. Résultat : les plateformes logistiques sont désorganisées, les volumes s’effondrent, et les distributeurs peinent à remplir leurs rayons, en particulier en produits frais.
« On a tout simplement été coupés de notre fournisseur principal du jour au lendemain », explique un grossiste de Rungis. « Et avec les jours fériés, impossible de se retourner sur d’autres origines rapidement. »
Tomates, fraises, concombres, agrumes… Ces denrées, très attendues à l’approche du 1er mai, manquent à l’appel. Pour de nombreux opérateurs, cette rupture ponctuelle mais brutale rappelle à quel point les circuits d’approvisionnement français sont dépendants des productions espagnoles, notamment au printemps.
Une panne révélatrice à l’échelle européenne
Face à la panne, RTE (Réseau de Transport d'Électricité) a rapidement isolé le réseau français pour éviter une contagion, avant de venir en soutien au réseau espagnol en injectant temporairement jusqu’à 2 000 MW d’électricité. Une coopération technique réussie, mais qui révèle la vulnérabilité des interconnexions électriques européennes.
L’origine exacte de la coupure reste incertaine. Une enquête judiciaire est en cours en Espagne. Les autorités écartent pour l’instant la piste d’une cyberattaque, mais des suspicions de sabotage informatique ou de défaillance technique majeure persistent.
Quelles leçons pour l’agriculture et l’agroalimentaire ?
Cet incident est plus qu’un simple fait divers énergétique : c’est un signal d’alarme pour l’ensemble de la filière agroalimentaire européenne. Il démontre combien les chaînes de production sont sensibles aux aléas d’infrastructure, en particulier à l’électricité, maillon invisible mais vital de toute activité industrielle.
Dans un contexte où le climat, les crises géopolitiques et les tensions logistiques pèsent déjà sur l’agriculture, cette coupure remet sur la table deux enjeux cruciaux :
- La résilience énergétique des exploitations, des coopératives et des industriels.
- La sécurisation des approvisionnements à l’échelle locale et européenne.
Il ne s’agit pas de renoncer à la complémentarité entre pays producteurs, mais bien de penser des modèles capables d’absorber les chocs, même soudains.