La Commission européenne a présenté le 24 octobre à Bruxelles les grandes lignes de la future Politique agricole commune (PAC) 2028-2034. Un texte qui se veut « plus simple, plus juste et plus résilient », mais qui ouvre déjà de nombreux débats entre États membres. L’enjeu : préserver les revenus agricoles tout en renforçant la durabilité environnementale et le renouvellement des générations.
Une PAC plus intégrée dans le budget européen
La PAC restera l’un des piliers du budget européen, avec une enveloppe estimée à près de 294 milliards d’euros sur sept ans. Mais la nouveauté, c’est son intégration dans un fonds unique “National & Regional Partnerships”, aux côtés d’autres politiques (rurales, environnementales, sociales). Chaque pays disposera d’une plus grande marge de manœuvre pour définir ses priorités agricoles.
Pour la France, cette flexibilité est une opportunité autant qu’un défi : il faudra arbitrer entre compétitivité, transition écologique et maintien du revenu.
Simplification ou recentralisation ?
La Commission promet une PAC “simplifiée”, moins bureaucratique, centrée sur des objectifs de résultats plutôt que sur des contrôles administratifs. Le concept de farm stewardship – littéralement “gérance de la ferme” – remplacerait une partie des règles de conditionnalité actuelles. Chaque exploitation devra démontrer sa contribution à la durabilité (sols, biodiversité, climat, bien-être animal), avec en contrepartie une plus grande liberté dans les moyens employés.
Cette approche est saluée par certains États membres, mais d’autres craignent une “re-nationalisation” de la PAC, où les politiques agricoles seraient de plus en plus divergentes selon les pays.
Le renouvellement des générations au cœur du projet
Le texte européen introduit pour la première fois une stratégie obligatoire de renouvellement des générations agricoles. Chaque État devra présenter des actions concrètes en faveur des jeunes, des femmes et des petites exploitations : aides à l’installation, accès au foncier, formation, transmission.
En France, où l’âge moyen des chefs d’exploitation dépasse 50 ans, cette orientation est cruciale. Elle rejoint les attentes portées par les syndicats agricoles et par la stratégie nationale d’installation lancée en 2024.
Des incitations ciblées et un budget à défendre
La PAC post-2027 prévoit le maintien des paiements directs aux agriculteurs, mais leur ciblage sera renforcé :
- dégressivité des aides pour les plus grandes exploitations,
- plafonnement des paiements,
- bonus pour les jeunes et les petites structures,
- encouragements financiers pour les pratiques vertueuses.
Cette redistribution suscite des inquiétudes dans certaines filières à forte intensité capitalistique, comme les grandes cultures ou l’élevage bovin. À l’inverse, elle pourrait redonner de l’air aux exploitations intermédiaires et aux systèmes agroécologiques.
Une orientation plus verte, mais sous tension budgétaire
Le budget global reste conséquent, mais l’inflation et les transferts vers d’autres priorités européennes (climat, défense, innovation) risquent de réduire la part réellement disponible pour l’agriculture. Les organisations agricoles françaises insistent sur la nécessité de maintenir le soutien au revenu et de ne pas alourdir les contraintes environnementales.
« Nous ne contestons pas la transition, mais elle doit être économiquement viable, » souligne un représentant d’organisation syndicale. Les débats au Conseil européen s’annoncent vifs sur la répartition des fonds et les équilibres entre “écologie” et “compétitivité”.
Et maintenant ?
Le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE s’est réuni les 27-28 octobre pour une première lecture de la proposition. Les négociations avec le Parlement européen débuteront en 2026, pour une adoption espérée avant les élections européennes de 2027.
D’ici là, chaque État membre devra se préparer à rédiger son plan stratégique national post-2027. En France, les concertations devraient débuter courant 2026 avec les syndicats, chambres d’agriculture et interprofessions.
Ce qu’il faut retenir
- La future PAC (2028-2034) sera plus souple, plus verte et plus nationale.
- Introduction d’un nouveau concept : le farm stewardship, fondé sur des résultats plutôt que sur la conformité administrative.
- Stratégie obligatoire de renouvellement des générations : jeunes, femmes, petites exploitations au cœur des priorités.
- Budget européen de près de 294 milliards d’euros, mais incertitudes sur les arbitrages finaux.
- En France, un travail d’adaptation du plan stratégique débutera en 2026.