
Un récent rapport publié par l'association Terres de Liens met en lumière une réalité méconnue du secteur agricole français : près de la moitié des terres cultivées dans l'Hexagone sont destinées à l'exportation. Cette situation soulève des questions importantes sur la sécurité alimentaire du pays et l'efficacité de son système de production agricole.
Selon l'étude, 43% de la surface agricole française est consacrée à la production pour l'exportation. Les principaux destinataires de ces produits sont les pays européens (71%), suivis de l'Amérique du Nord (9%) et de la Chine (5%). Parmi les produits phares de l'exportation française figurent le vin, les céréales, les produits laitiers, ainsi que les fruits et légumes.
Cette orientation vers l'exportation n'est pas sans conséquences. La surface nourricière disponible par habitant en France se trouve réduite à 2 100 m², alors qu'il en faudrait le double pour assurer une autonomie alimentaire. Paradoxalement, la France se voit contrainte d'importer massivement certains produits qu'elle cultive pourtant sur son territoire. À titre d'exemple, 40% du beurre et 30% des fruits et légumes consommés en France sont importés.
Le cas du blé dur illustre particulièrement bien cette situation. Bien que la France dispose d'une capacité d'auto-approvisionnement de 148% pour cette céréale, elle importe 75% des pâtes et de la semoule qu'elle consomme.
Cette organisation de la production agricole soulève des interrogations quant à sa durabilité et son impact environnemental. Les exploitations tendent à s'industrialiser et à se spécialiser pour rester compétitives sur le marché mondial. Cependant, cette évolution les rend plus vulnérables aux aléas climatiques et plus dépendantes des intrants chimiques et de l'eau.
L'utilisation des ressources en eau est particulièrement préoccupante. L'agriculture française consomme actuellement plus de la moitié de l'eau utilisée dans le pays, soit 2,3 milliards de m3. L'association Terres de Liens préconise une réorganisation du système agricole pour privilégier l'utilisation de l'eau dans des productions contribuant à la sécurité alimentaire nationale.
Face à ces constats, l'association appelle à une refonte des politiques publiques agricoles. Le projet de loi d'orientation agricole actuellement en discussion au Parlement est considéré comme insuffisant par Terres de Liens, qui estime qu'il "rate sa cible" en termes de réorientation vers une agriculture nourricière.
Cette situation complexe invite à une réflexion approfondie sur l'avenir de l'agriculture française, son rôle dans l'économie nationale et internationale, ainsi que sa capacité à assurer la sécurité alimentaire du pays tout en répondant aux défis environnementaux actuels.