
En Finlande, des chercheurs développent un procédé innovant pour produire des protéines alimentaires à partir de l'air, une avancée prometteuse dans la quête de solutions durables aux défis alimentaires mondiaux actuels.
Un microbe, de l'air et de l'électricité
Dans une usine finlandaise, des "agriculteurs du futur" utilisent un microbe alimenté par l'air et l'électricité pour créer une protéine alimentaire, le tout sans quitter leur ordinateur. Cette méthode novatrice se démarque clairement de l'agriculture traditionnelle.
L'agriculture cellulaire, qui génère des aliments ou des nutriments à partir de cultures cellulaires, est de plus en plus considérée comme une alternative écologique à l'élevage, un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre.
La viande, les œufs et le lait cultivés en laboratoire captivent les scientifiques qui explorent la culture de cellules animales. Cependant, les détracteurs critiquent ce procédé, le qualifiant de "non naturel", énergivore et onéreux.
Le groupe Solar Foods innove sur son nouveau site près d'Helsinki, où les scientifiques utilisent une technologie de pointe pour cultiver des protéines à partir de cellules, en utilisant simplement de l'air et de l'électricité.
Un microbe est nourri en dioxyde de carbone, hydrogène et minéraux par un procédé utilisant de l'électricité issue de sources renouvelables.
Un produit capable de remplacer certains aliment du quotidien
Solar Foods a brillamment mis au point une poudre riche en protéines pouvant remplacer l'œuf ou le lait.
"Nous pouvons extraire notre principale matière première pour le microbe directement de l'air," explique Pasi Vainikka, directeur général de Solar Foods.
« Nous avons lancé la production de la protéine la plus durable du monde »
M. Vainikka soutient que la majorité des protéines animales actuelles peut désormais être produite via l'agriculture cellulaire. Cette innovation permettrait de libérer des terres agricoles et de reconstituer les stocks de carbone, grâce à l’absorption et au stockage du carbone par les forêts et les sols.
D'après une étude menée par des experts en alimentation durable de l'université d'Helsinki, citée par Solar Foods, un kilogramme de cette nouvelle protéine, baptisée "solein", génère 130 fois moins de gaz à effet de serre que la même quantité de protéine bovine produite dans l'Union européenne.
Dans le laboratoire et le centre de contrôle de l'usine, une dizaine de personnes surveillent la production sur leurs écrans.
Un marché d'ores-et-déjà concurrentiel
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et Israël comptent parmi les nations les plus avancées dans le domaine de l'agriculture cellulaire.
"Nous traversons une phase cruciale ; nous verrons quelles start-ups réussiront à survivre," ajoute-t-elle. Selon elle, les obstacles bureaucratiques freinent leur croissance au sein de l'Union européenne.
Revêtu d'une combinaison de protection pour éviter toute contamination bactérienne dans l'usine, M. Vainikka pointe du doigt une immense cuve en acier.
"Il s'agit d'un fermenteur de 20 000 litres," explique-t-il. À l'intérieur de cette cuve, les microbes prolifèrent lorsqu'on les nourrit de gaz à effet de serre.
Le liquide microbien est d'abord extrait de la cuve, puis transformé en une poudre jaunâtre riche en protéines, offrant une saveur à la fois "noisette" et "crémeuse".
"Le fermenteur génère chaque jour une quantité de protéines équivalente à celle produite par 300 vaches laitières ou 50 000 poules pondeuses," explique Vainikka. "Cela équivaut à cinq millions de repas annuels en termes d'apport en protéines."
L'objectif est d'attirer des investisseurs
À court terme, cette petite usine finlandaise, qui emploie une quarantaine de personnes, a pour objectif principal de démontrer la viabilité de sa technologie. Cette preuve de concept vise à attirer les investissements nécessaires, en attendant l'approbation réglementaire européenne.
La protéine a été approuvée pour la vente à Singapour, où certains restaurants l'utilisent dans des glaces. Cependant, elle n'a pas encore été classée comme produit alimentaire dans l'Union européenne et aux États-Unis.
Pour avoir un véritable impact, l'objectif est de "construire une usine cent fois plus grande que celle-ci", affirme M. Vainikka.