
Une vigilance accrue recommandée
Les gelées matinales, avec des températures tombant en dessous de zéro, posent un risque significatif pour l'arboriculture et la viticulture, particulièrement vulnérables durant leur période de floraison actuelle.
La France est actuellement balayée par un vent glacial, poussant agriculteurs et jardiniers à la prudence accrue. Avec le début des saints de glace ce mardi, marqué par la Saint-Georges, nous entrons dans une période de huit jours particulièrement critique. "Les pics de cette vague de froid seront atteints mardi et mercredi," prévient Dr Serge Zaka, agroclimatologue.
Il souligne l'importance de la vigilance, surtout dans le Massif central, le nord-est et les régions alpines. Dès mardi, le gel devrait s'étendre vers l'ouest et le sud-ouest du pays. Les zones les plus exposées, notamment les plus froides et celles où la végétation est en phase avancée de croissance, pourraient subir des pertes agricoles atteignant 100 %.
Sont particulièrement concernées toutes les cultures fruitières, dont les arbres sont au stade de la floraison ou du petit fruit, mais aussi les vignes à l’étape du débourrement, c’est-à-dire le moment où le bourgeon devient une petite feuille.
« Actuellement, les vignerons de Bourgogne, particulièrement à Chablis, Beaune et dans le Mâconnais, sont très engagés », confirme une représentante du BIVB. Face à la menace du gel sur les vignes, presque en phase finale de bourgeonnement, ils déploient diverses stratégies. Les jeunes pousses, extrêmement délicates, commencent à se développer. À Chablis, l'utilisation d'aspersion d'eau s'avère être une méthode efficace grâce aux ressources hydriques disponibles.
Ailleurs, le recours à la combustion de bougies de paraffine génère de la chaleur nécessaire, malgré un coût élevé – environ 300 bougies à 10 euros chacune par hectare. Pour protéger les vignobles de grand cru, certains optent pour des fils chauffants directement appliqués sur les plants, une solution rapide mais onéreuse. L'évaluation des dommages causés par le gel nécessitera du temps. Pour le moment, les informations sont rares, mais la situation semble moins critique que celle de 2021.
« Ce qui est inquiétant, ce sont ces températures qui font du yoyo : cela contraste avec les 25 °C lors du week-end des 13 et 14 avril qui laissaient penser à certains que l’hiver était derrière nous. Cela ralentit la végétation à l’extérieur »
Arboriculteurs unanimes, le gel actuel ne rivalise pas avec le désastreux gel noir de 2021, qui s'était étendu de la nuit au matin, souligne Daniel Sauvaitre, président de l'Association Nationale Pommes Poires (ANPP) à Reignac, Charente. "Il se pourrait que Serge Zaka ait une vision un peu trop sombre. Nous sommes confrontés à des gels blancs matinaux cette fois-ci, et les machines à vent, des turbines d'environ 11 à 12 mètres de hauteur, se révèlent cruciales.
Elles augmentent la température de un à deux degrés en faisant circuler de l'air plus chaud, qui se trouve au-dessus, autour des arbres, et en asséchant l'air, ce qui rend la végétation moins vulnérable au gel. Cette technique est efficace jusqu'à -2°C et représente un investissement capable de protéger une part significative de la récolte. Un appel est lancé au gouvernement pour soutenir l'achat de ces équipements par un financement de 40% de leur coût, s'élevant entre 50 000 et 60 000 euros."
Une assurance-récolte coûteuse
Dans la région des Alpes-de-Haute-Provence, confrontée à des chutes de température atteignant les -6°C à -7°C, la technique d'irrigation par aspersion s'avère être la stratégie la plus efficace pour sauvegarder les arbres fruitiers du gel. Cédric Massot, arboriculteur expérimenté des Hautes-Alpes, partage son approche : "En aspergeant les plantes d'eau, celle-ci gèle immédiatement, formant une couche de glace protectrice qui maintient la température autour de la plante à 0°C."
L'irrigation nécessite un accès conséquent à l'eau, à hauteur de 40 à 50 mètres cubes par heure, une ressource puisée grâce à la proximité du canal de Serre-Ponçon. Avec des prévisions de températures nocturnes oscillant entre -3°C et -4°C, les méthodes de protection se révèlent cruciales. Pour les 10% à 15% de ses cultures non couvertes par cette technique, Massot se tourne vers une assurance récolte, une solution onéreuse de 500 euros par hectare, malgré une aide étatique couvrant 70% des coûts.
Dans la région Centre-Val de Loire, confrontés à la récente vague de froid, les maraîchers prennent des mesures protectrices tout en évitant la panique. "Nous protégeons les cultures en plein air avec des bâches. Actuellement, la plupart de nos plantations sont sous serre, où elles continuent de croître sans problème," partage Angélique Delahaye, une maraîchère d'Indre-et-Loire. "Ce qui nous inquiète, c'est l'instabilité des températures, avec des hausses jusqu'à 25 °C durant le weekend des 13 et 14 avril, laissant penser à la fin de l'hiver.
Ces fluctuations ralentissent la croissance des cultures extérieures et perturbent la demande pour les produits printaniers comme les radis ou les concombres. En ce moment, mon association Solal, qui fournit des produits agricoles aux personnes en difficulté, se trouve avec un surplus de concombres qui n'ont pas trouvé preneurs sur le marché." Traditionnellement, la saison des gelées tardives se termine le 13 mai, à la Saint-Gervais, aujourd'hui célébrée sous le nom de Sainte-Rolande.