La semaine dernière, des manifestations ont éclaté dans l’ouest de la France, une région connue pour son agriculture florissante. Le sujet de discorde ? L’installation de nouvelles méga-bassines, des réservoirs d’eau à ciel ouvert utilisés pour l’irrigation des cultures. Mais ce n’est pas seulement la France qui est concernée. C’est tout le sud de l’Europe qui s’interroge sur les systèmes de gestion et de stockage des eaux pour faire face au changement climatique.
Gestion de l’eau à l’échelle européenne :
La gestion de l’eau utilisée par les agriculteurs est un problème à l’échelle européenne. Ursula von der Leyen, lors de son discours précédant son élection à la tête de la Commission européenne, a appelé à la mise en œuvre d’une “stratégie de gestion durable” de l’eau, afin que les agriculteurs soient “mieux préparés” au changement climatique.
Multiplication des ouvrages hydrauliques :
Pour faire face aux pénuries et atténuer les effets des précipitations irrégulières, les ouvrages hydrauliques se multiplient partout en Europe : barrages, retenues collinaires et systèmes de dérivation des eaux de rivière.
Investissement dans les infrastructures transfrontalières :
Dans son agenda stratégique 2024-2029, le Conseil de l’Union européenne (UE) s’engage à “investir dans de vastes infrastructures transfrontalières”, y compris dans le domaine de l’eau.
Tensions autour des aménagements :
Ces aménagements suscitent pourtant de fortes tensions. Le jour du discours d’Ursula von der Leyen, des manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes dans le Marais poitevin, dans l’ouest de la France. Ces dernières s’opposaient à la construction de nouvelles “méga-bassines”, ces réserves d’eau à ciel ouvert utilisées pour l’irrigation des cultures.
Système de remplissage singulier des méga-bassines :
En plus de capter les eaux de pluie et de les stocker, les méga-bassines françaises ont la particularité de puiser l’eau des nappes souterraines, en cas de précipitations insuffisantes. Selon les opposants au projet, ces ouvrages sont donc susceptibles de perturber les zones humides du marais et de contribuer à son assèchement.
Différents systèmes de stockage en Europe :
En Espagne, le pays champion de la captation des eaux de pluie en Europe, le stockage se fait principalement dans des embalses, d’immenses piscines d’eau douce, mais qui se distinguent des méga-bassines par leur mode de remplissage. En Italie, personne n’utilise de méga-bassine pour l’irrigation. Les syndicats agricoles italiens Coldiretti et CIA proposent toutefois la création de bassins hydriques, mais ceux-ci ne prélèveraient pas d’eau souterraines et fonctionneraient uniquement avec la récupération des eaux de pluie et la dérivation de l’eau des rivières “aux périodes les plus pluvieuses”.
Assèchement des milieux :
De l’autre côté des Pyrénées, le système espagnol montre aussi ses limites. Selon différentes études, les embalses peinent à se remplir en été. En 2023, elles ne sont parvenues qu’à la moitié de leurs capacités. Le constat est similaire au Portugal ou en Italie, où ces systèmes de stockages se développent rapidement.
Tensions autour du mode de gestion des réserves :
Outre le système de remplissage, les tensions portent aussi sur le mode de gestion de ces réserves. “En France, les méga-bassines sont financées par des fonds publics, mais ensuite l’eau est privatisée, seules quelques dizaines de personnes peuvent en profiter”, souligne Laurence Marandola. En Espagne en revanche, la gestion des embalses reste du domaine de la puissance publique.
Modèle agricole :
“Il est nécessaire de réduire la superficie irriguée et l’expansion incontrôlée de l’irrigation industrielle”, insiste Julia Martínez. Pour les opposants à la multiplication des bassines, il s’agit de s’opposer à un modèle agricole qui promeut l’exportation de céréales très consommatrice d’eau, principalement utilisées pour nourrir le bétail.
Alors que 21 ministres de l’UE ont récemment appelé à faire de l’eau une priorité absolue de l’agenda européen, la stratégie de gestion durable promise par la présidente de la Commission européenne est très attendue par les acteurs du monde agricole. De leur côté, les militants français anti-bassines veulent faire entendre la colère qui monte aux quatre coins du continent. Début septembre, les Soulèvements de la terre – l’organisateur des manifestations françaises – vont lancer un convoi de l’eau “Du Marais poitevin jusqu’à la lagune de Venise”, dans le but d’alerter contre les méga-bassines et contre la pollution des nappes phréatiques en Vénétie.