Le 25 mars 2025, le ministère de l’Agriculture a donné le coup d’envoi officiel de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2028-2032. Une réunion de lancement qui se voulait ambitieuse, ouverte et participative. Mais derrière ce signal symbolique, de nombreux doutes subsistent sur la portée réelle du processus engagé. Pourtant, cette réforme à venir est une opportunité précieuse pour redéfinir collectivement notre modèle agricole. Explications.
Un lancement symbolique… mais une volonté de dialogue à saluer
C’est une première étape : le ministère a réuni une « conférence des parties » rassemblant les représentants du monde agricole (syndicats, coopératives, chambres d’agriculture), des ONG environnementales, des experts, ainsi que les services de l’État. L’objectif ? Identifier les grands enjeux de la prochaine PAC : adaptation au changement climatique, rémunération des agriculteurs, renouvellement des générations, résilience des systèmes agricoles, cohérence des transitions…
Même si les contours de la réforme restent flous, il faut souligner la volonté d’engager le dialogue en amont. Cette ouverture au débat est essentielle pour poser les bases d’un contrat de confiance entre les parties prenantes. Car la PAC ne peut plus être une affaire uniquement technocratique : elle doit redevenir un levier politique majeur pour l’avenir de nos territoires ruraux.
Le vrai moteur de la réforme : le futur budget européen
À ce stade, tout reste suspendu au Cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, qui déterminera le budget global attribué à la PAC après 2027. Or, sans montant précis, difficile de parler de répartition ou de nouveaux dispositifs. C’est pourquoi certains parlent de "pseudo-départ" : le fond du dossier reste en attente.
Mais cette attente n’est pas une fatalité. C’est justement l’occasion de faire entendre les besoins du terrain : une PAC ambitieuse et financée à la hauteur des enjeux. Aujourd’hui, en France, les aides PAC représentent jusqu’à 74 % du revenu courant avant impôts pour de nombreuses exploitations. Ce n’est pas un luxe, c’est un socle de stabilité. À l’heure où les exploitants doivent investir dans la transition agroécologique, faire face aux aléas climatiques et renouveler les générations, chaque euro compte.
Un projet de fusion des fonds qui interroge… mais invite à défendre notre vision
Autre sujet délicat : la proposition de la Commission européenne de fusionner plusieurs fonds – ceux de la PAC, du développement rural, de la cohésion… – dans un fonds unique géré au niveau national. L’intention affichée est de simplifier les procédures et de renforcer la subsidiarité, mais cette orientation soulève de vraies inquiétudes.
La France, fidèle au modèle en deux piliers de la PAC (paiements directs et développement rural), défend l’idée que l’agriculture mérite un budget dédié, lisible, structuré, avec des objectifs clairs. Ce modèle a prouvé sa pertinence : il permet de répondre à la diversité des exploitations, d’accompagner les transitions, de soutenir l’emploi rural. Le diluer dans un fonds global serait prendre le risque de perdre en efficacité et en lisibilité.
Mais là encore, voyons-y une opportunité : rappeler collectivement ce que nous attendons de la PAC, et pourquoi elle reste l’un des piliers les plus concrets de la solidarité européenne.
Et maintenant ? Une séquence à ne pas rater
D’ici fin 2025, la Commission présentera sa proposition législative pour la PAC post-2027. Suivront de longues négociations avec les États membres et le Parlement européen. Le calendrier est serré, et les élections européennes de juin 2024 auront déjà redistribué les cartes politiques à Bruxelles. En parallèle, les dynamiques politiques nationales – en France comme ailleurs – pourraient aussi influencer la direction de la réforme.
Mais cette période est aussi un moment stratégique pour se faire entendre. Les organisations agricoles, les élus des territoires, les citoyens, les chercheurs, les jeunes en formation agricole… Tous peuvent jouer un rôle pour faire remonter des propositions concrètes et cohérentes.
En résumé : pas (encore) de réforme, mais une vraie fenêtre d’action
Oui, ce lancement de la réforme PAC post-2027 peut sembler prématuré ou incertain. Mais c’est aussi le bon moment pour influer sur les orientations à venir. Plutôt que de subir, c’est le moment d’agir.
- Pour défendre un budget européen à la hauteur des défis agricoles et climatiques
- Pour réaffirmer l’importance d’un soutien structurant aux agriculteurs
- Pour construire une PAC qui valorise les pratiques durables, l’innovation, le lien au territoire et la souveraineté alimentaire
La PAC est en mouvement. Et si elle avance lentement, c’est aussi pour laisser place à l’intelligence collective. Saisissons cette chance.