La filière viticole française traverse une période charnière. Entre baisse de consommation, aléas climatiques répétés et pression internationale accrue, le secteur doit s’adapter. Le 24 novembre 2025, le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a annoncé un plan de 130 millions d’euros (≈ 150 millions de dollars) pour financer les arrachages de vignes dans les zones les plus en difficulté. Ce dispositif, soumis à un cofinancement européen, vise à réduire la surproduction et à aider les exploitations fragilisées à se restructurer.
Pourquoi un plan d’arrachage maintenant ?
Plusieurs facteurs se cumulent depuis plusieurs années et expliquent la mise en place de ce plan.
Une baisse structurelle de la consommation
Les ventes de vin rouge reculent depuis près de 15 ans. Les nouvelles générations consomment moins d’alcool, privilégient d’autres boissons et s’orientent davantage vers des produits plus légers ou issus de l’agriculture biologique. Cette tendance de fond pèse sur les débouchés de la production viticole française.
Une surproduction persistante
Malgré une météo contrastée, la production 2025 est estimée à +3 % au-dessus de 2024, année marquée par les pluies. Mais elle reste environ 13 % en dessous de la moyenne sur cinq ans, signe d’une instabilité croissante et d’un déséquilibre entre l’offre et la demande dans certains bassins.
Les effets du changement climatique
Sécheresses, canicules, gels tardifs, maladies : certaines zones peinent à maintenir des rendements économiquement viables. Le changement climatique accentue la variabilité des volumes et la vulnérabilité des exploitations, en particulier dans les régions les plus exposées.
Une pression internationale accrue
Les vins du Nouveau Monde gagnent en compétitivité grâce à des coûts de production plus faibles, des investissements industriels importants et des campagnes marketing offensives. Certains bassins viticoles français se retrouvent aujourd’hui avec trop de surfaces par rapport à la demande solvable.
Ce que finance réellement le plan
Le plan de 130 millions d’euros vise simultanément à réduire la surproduction, soutenir les exploitations fragiles et accompagner une transformation du vignoble. Il ne se limite donc pas à l’arrachage, mais offre un cadre permettant une restructuration réfléchie des zones viticoles sous tension.
Tableau – Les postes de financement du plan viticole 2025
| Poste financé | Description | Objectif principal |
|---|---|---|
| Arrachage de vignes | Retrait de parcelles devenues non rentables ou en excédent de production | Réduire la surproduction et stabiliser les marchés |
| Compensations de perte de revenus | Indemnisation lors des années sans production post-arrachage | Sécuriser la transition économique des exploitants |
| Reconversions agricoles | Aides régionales et FEADER pour planter d’autres cultures (oléagineux, fourrages, maraîchage, agroforesterie) | Diversifier les fermes et améliorer la résilience climatique |
| Cofinancement européen | Demande adressée à l’Union européenne pour étendre ou doubler le budget | Inscrire la restructuration viticole dans une stratégie européenne |
Ce plan n’a donc pas pour seul but d’arracher des vignes, mais d’offrir aux viticulteurs les moyens d’adapter leur exploitation : recentrer la production sur les parcelles les plus performantes, diversifier les cultures lorsque les conditions climatiques ou commerciales l’imposent, ou moderniser leur modèle. Sans ce soutien, beaucoup ne pourraient absorber le choc économique d’une telle transition.
Les critiques et inquiétudes
Le plan suscite plusieurs réserves de la part de professionnels et d’élus territoriaux, qui redoutent que les arrachages massifs modifient profondément l’équilibre agricole, écologique et culturel des zones viticoles concernées. Ces interrogations reflètent une crainte plus large : celle d’une fragilisation durable de la filière si cette restructuration n’est pas accompagnée d’un projet territorial solide.
- risque accru d’incendies dans les zones méditerranéennes où la vigne joue un rôle de pare-feu ;
- perte d’identité paysagère et patrimoniale dans certains bassins AOC ;
- crainte d’une décroissance productive durable de la filière ;
- déstabilisation des marchés locaux et des coopératives ;
- risque de terres laissées sans usage viable si aucune alternative n’est accompagnée.
Ce que cela implique pour les viticulteurs
Pour les exploitants, ce plan représente un moment déterminant. Il peut permettre une transformation nécessaire vers davantage de résilience, mais demande aussi des choix difficiles. Chaque viticulteur doit évaluer la rentabilité de ses parcelles, les risques liés au climat et la faisabilité d’une éventuelle reconversion agricole, seule ou en complément de la vigne.
- arbitrage entre maintien des vignes ou arrachage stratégique selon le potentiel agronomique ;
- opportunité de diversification (maraîchage, oléagineux, agroforesterie, productions locales de niche) ;
- besoins accrus en accompagnement technique, financier et territorial ;
- réorganisation des investissements et du travail au sein de l’exploitation ;
- importance des partenariats avec collectivités, coopératives, interprofessions et organismes techniques.
Impacts pour la chaîne agroalimentaire
Sur les volumes disponibles
La réduction des surfaces productives peut entraîner une baisse des volumes disponibles à moyen terme, une montée en gamme sur certains segments et des tensions possibles sur d’autres, selon la vitesse et l’ampleur des arrachages.
Sur les approvisionnements
Les coopératives, négociants et industriels devront adapter leurs stratégies d’achat, sécuriser leurs contrats et, dans certains cas, diversifier leurs bassins d’approvisionnement pour garantir la continuité de leurs gammes.
Sur la stratégie marketing des vins français
Des volumes plus restreints imposent un repositionnement : davantage de valeur ajoutée, d’identité territoriale et de différenciation internationale. Ce contexte peut pousser les acteurs à mieux raconter leurs terroirs, leurs pratiques, et à capitaliser sur la qualité plutôt que sur la quantité.
En conclusion
Le plan de 150 millions de dollars pour la filière vinicole marque une étape importante dans la transformation du vignoble français. Face à la baisse de la consommation, aux aléas climatiques et à la concurrence internationale, la filière doit repenser son modèle.
Pour les viticulteurs comme pour les acteurs de l’agroalimentaire, ce plan est autant un signal d’alerte qu’une opportunité : celle d’évoluer, de diversifier les modèles de production et de renforcer la résilience économique et territoriale.