Alors que l’Union européenne demande aux agriculteurs de renforcer leurs efforts environnementaux via la PAC (réduction des phytos, BCAE, transition agroécologique), elle poursuit en parallèle les négociations commerciales avec le Mercosur. Pour beaucoup d’exploitants français, cette coexistence relève d’un paradoxe : la PAC protège et durcit les normes, tandis que le Mercosur ouvre le marché à des produits agricoles qui ne respectent pas ces mêmes règles.
Cet article résume les points clés du débat et ce que cela implique pour les filières agricoles européennes.
1. La PAC : protéger et encadrer le modèle agricole européen
La Politique Agricole Commune poursuit trois objectifs majeurs : stabiliser les revenus agricoles, garantir une production locale suffisante et encadrer la transition environnementale. Les agriculteurs doivent se conformer à une montée en exigence :
- réduction des pesticides ;
- préservation des haies et de la biodiversité ;
- obligations carbone renforcées ;
- normes de bien-être animal ;
- conditionnalité plus stricte.
La PAC est ainsi conçue comme une politique de stabilisation et de régulation au service du modèle agricole européen.
2. Mercosur : un accord de libre-échange qui crée une concurrence asymétrique
L’accord UE–Mercosur vise à réduire fortement les droits de douane sur des produits exportés par le Brésil, l’Argentine et leurs partenaires :
- viande bovine ;
- volailles ;
- sucre ;
- éthanol ;
- soja.
Ces produits sont souvent issus de systèmes agricoles utilisant des substances interdites en Europe, soumis à moins de normes environnementales, avec des coûts de production plus faibles et parfois associés à la déforestation. Les agriculteurs européens craignent une mise en concurrence inéquitable.
3. Une contradiction structurelle
D’un côté, l’Europe affirme vouloir plus d’autonomie alimentaire, réduire les importations sensibles et encourager des pratiques agricoles plus durables. De l’autre, l’accord Mercosur favoriserait l’entrée de produits agricoles moins-disants, une pression accrue sur les prix, la fragilisation des filières bovine, avicole et sucrière, ainsi qu’une dépendance commerciale accrue.
PAC et Mercosur ne répondent pas à la même logique économique ni stratégique, ce qui nourrit un sentiment d’incohérence dans le monde agricole.
4. Pourquoi le monde agricole réagit vivement
Dans les campagnes françaises, le message est clair :
« On nous impose davantage de normes, tout en ouvrant la porte à des produits qui n’en ont pas. »
Ce sentiment s’explique par la perte de compétitivité face à des standards hétérogènes, la difficulté d’investir pour répondre aux nouvelles exigences de la PAC, l’absence de clauses de réciprocité jugées crédibles et la crainte d’une baisse durable des prix dans certaines filières. La France s’oppose officiellement à l’accord actuel, mais la décision finale dépend de l’ensemble des États membres.
En conclusion
Le débat entre PAC et Mercosur cristallise une tension profonde : celle d’une Europe qui demande à ses agriculteurs d’être exemplaires tout en négociant des accords commerciaux avec des régions qui ne suivent pas les mêmes règles. Cette contradiction nourrit l’incompréhension et la colère des exploitants, confrontés à la fois à une transition exigeante et à une ouverture accrue du marché.
Pour les filières françaises, l’enjeu est immense : préserver leur souveraineté, maintenir leur compétitivité et garantir un revenu stable dans un contexte international de plus en plus volatil. Le sujet PAC/Mercosur continuera d’être un point central des mobilisations et des débats agricoles dans les années à venir.