Colère dans les champs : mobilisation des agriculteurs du Nord ce 19 mai

  • Mis à jour : 29 Octobre 2025   |   Publié : 19 Mai 2025
  • Temps de lecture : 2 minutes
Colère dans les champs : mobilisation des agriculteurs du Nord ce 19 mai

Ce lundi 19 mai 2025, plusieurs axes routiers du Nord de la France ont été bloqués par des cortèges d’agriculteurs en colère. À l’origine de cette mobilisation : la FDSEA du Nord et les Jeunes Agriculteurs, deux syndicats départementaux historiquement très actifs. Cette action s’inscrit dans une série de contestations récurrentes contre ce que les professionnels du secteur dénoncent depuis plusieurs mois : un empilement de contraintes réglementaires, une perte de compétitivité face à des importations venues de pays tiers et une rémunération toujours aussi fragile pour les producteurs français.

Un nouvel épisode qui illustre à quel point le fossé entre le monde agricole et les décideurs politiques reste profond.

Une action régionale aux forts impacts logistiques

Dès le lever du jour, plusieurs convois de tracteurs ont pris position sur des routes stratégiques, provoquant des ralentissements et des perturbations importantes dans toute la région Hauts-de-France. Trois points de blocage majeurs ont été signalés :

  • Sur l’autoroute A1 à hauteur de Seclin, l’un des axes les plus empruntés entre Lille et Paris ;
  • Sur l’A25, bloquée dans les deux sens à Steenvoorde, près de la frontière belge ;
  • Sur l’A2, au niveau de Valenciennes, axe fréquenté par de nombreux poids lourds circulant entre la France, la Belgique et l’Allemagne.

Selon les estimations des syndicats, entre 40 et 60 tracteurs ont été mobilisés sur chaque point de rassemblement. Sur place, des ballots de paille, banderoles, panneaux revendicatifs et même des feux de pneus ont été utilisés pour matérialiser le mécontentement.

Si les autorités préfectorales ont tenté d’anticiper les blocages, les perturbations ont néanmoins causé d’importants ralentissements sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Des revendications inchangées, mais de plus en plus pressantes

Derrière cette démonstration de force, les agriculteurs veulent rappeler que leurs conditions d’exercice restent intenables, malgré les promesses formulées par le gouvernement lors des grandes mobilisations de l’hiver dernier. Plusieurs axes de revendications ressortent avec clarté :

1. Trop de normes, pas assez de pragmatisme

Les manifestants dénoncent une sur-réglementation croissante, aussi bien au niveau national qu’européen. Ils pointent notamment du doigt les évolutions récentes sur les produits phytosanitaires, les cahiers de charges de plus en plus contraignants et la lourdeur des contrôles administratifs.

Pour nombre d’exploitants, ces normes ne tiennent pas compte des réalités de terrain. Elles sont perçues non pas comme des garde-fous environnementaux utiles, mais comme des freins à la production, à la rentabilité, et in fine, à la transmission des exploitations.

2. Une concurrence étrangère perçue comme déloyale

Le second point de crispation concerne les accords de libre-échange. L’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, bien qu’encore en débat, cristallise toutes les inquiétudes.

Pour les agriculteurs français, il est inacceptable que des produits agricoles importés ne respectant pas les mêmes normes sanitaires, sociales et environnementales puissent entrer librement sur le marché.

3. Des prix qui ne couvrent pas les coûts de production

Enfin, la question du revenu agricole reste centrale. Malgré les dispositifs de contractualisation et les objectifs de la loi EGAlim, de nombreux agriculteurs constatent que leurs revenus stagnent, voire régressent, en raison de charges toujours plus élevées.

Les jeunes installés et les éleveurs sont particulièrement touchés. Pour beaucoup, le seul moyen de se maintenir à flot est de cumuler les aides, de rogner sur les investissements ou de se diversifier à marche forcée, souvent sans accompagnement réel.

Une mobilisation appelée à s’amplifier

Ce mouvement du 19 mai ne serait qu’un avant-goût de ce qui attend le pays dans les prochaines semaines. La FNSEA a annoncé une mobilisation nationale à partir du 26 mai 2025.

Des actions plus massives, voire des occupations symboliques, ne sont pas exclues. Plusieurs fédérations départementales préparent déjà des dispositifs d’envergure, notamment dans les grandes métropoles ou aux abords de sites stratégiques comme les ports, les centrales d’achat ou les plateformes logistiques.

Une fracture politique et sociale qui perdure

Au-delà des blocages et des revendications immédiates, c’est bien une fracture de fond qui s’exprime à travers ces mobilisations. Le monde agricole, qui représente moins de 2 % de la population active, se sent oublié, voire méprisé, par une société urbaine et politique de plus en plus déconnectée de la réalité rurale.

Alors que la souveraineté alimentaire revient dans les discours publics, les producteurs, eux, rappellent qu’elle ne peut pas exister sans conditions de production viables.

À l’approche de l’été et d’un nouveau cycle électoral européen, ces mobilisations pourraient bien peser lourd dans les débats politiques. Le gouvernement, pour sa part, se dit "attentif" et "mobilisé", mais tarde à faire des annonces concrètes. Les agriculteurs, eux, affirment qu’ils ne se satisferont plus de promesses. Ils veulent des actes, et vite.

À suivre : Quelle sera l’ampleur de la mobilisation du 26 mai ? Le gouvernement pourra-t-il désamorcer une nouvelle crise agricole ? Et surtout, la société française est-elle prête à redéfinir sa relation avec ceux qui la nourrissent ?


  • Cyril Combes Cyril Combes, Rédacteur chez Agryco
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