Alors que le monde agricole français vieillit, le renouvellement des générations devient une urgence stratégique. À Bruxelles comme dans les territoires, les initiatives se multiplient pour rendre les métiers de la terre plus accessibles et attractifs. La Commission européenne a dévoilé, le 21 octobre, une nouvelle feuille de route ambitieuse pour doubler la part de jeunes agriculteurs d’ici 2040. Dans le même temps, sur le terrain, des acteurs comme Tereos assouplissent leurs modèles d’engagement pour mieux s’adapter aux attentes de cette nouvelle génération.
Une vision européenne pour revitaliser le métier
En 2025, moins de 12% des agriculteurs européens ont moins de 40 ans. Un chiffre qui illustre la difficulté d’attirer de nouveaux actifs dans un secteur confronté à la fois à la pression économique, à la complexité administrative et à la lourdeur des investissements de départ.
Pour inverser la tendance, la Commission européenne a présenté une stratégie baptisée « Jeunes Agriculteurs 2040 », dont l’objectif est clair : doubler la part de jeunes installés d’ici quinze ans. Cette feuille de route s’articule autour de quatre leviers majeurs :
- Simplification des démarches d’installation, souvent jugées trop complexes.
- Meilleure mobilisation des terres agricoles, via des outils de transmission intergénérationnelle.
- Accès facilité au financement, grâce à des garanties européennes et des prêts bonifiés.
- Renforcement de la formation et du mentorat, pour accompagner les nouveaux entrants.
Le renouvellement des générations n’est pas seulement une question d’agriculture, c’est une question de souveraineté et de résilience européenne », a rappelé la commissaire à l’Agriculture lors de la présentation. Une ambition forte, mais qui, pour porter ses fruits, devra s’appuyer sur des initiatives concrètes dans chaque filière.
Sur le terrain, des coopératives qui bougent
Dans la filière betteravière, Tereos a décidé de faire évoluer l’un des piliers de sa relation avec ses planteurs : l’engagement coopératif. Le groupe propose de ramener la durée d’engagement de cinq à trois ans, avec une mise en œuvre prévue à partir du 1er avril 2026 (sous réserve de validation par l’assemblée générale de juin 2026).
Ce changement, apparemment technique, est en réalité hautement symbolique. En raccourcissant la durée d’engagement, Tereos veut offrir davantage de souplesse aux agriculteurs, notamment aux jeunes installés qui hésitent à s’engager sur le long terme dans une filière exigeante. Cette flexibilité permet aussi d’adapter plus facilement les assolements et d’attirer de nouveaux planteurs, parfois réticents à s’enfermer dans des contrats quinquennaux.
La coopérative affiche ainsi une volonté claire : adapter son modèle à une génération d’agriculteurs plus mobile, plus diversifiée et plus attentive à la gestion du risque. Une approche en phase avec les attentes des politiques publiques européennes.
L’avenir de l’agriculture sera collectif
Ces deux dynamiques — celle de l’Union européenne et celle des acteurs économiques — se répondent et se complètent. Le renouvellement des générations ne peut se résumer à un programme de subventions ou à un plan d’installation ; il suppose aussi que l’ensemble des structures agricoles repensent leur fonctionnement : durée des engagements, partage du risque, gouvernance, accompagnement des jeunes.
Les coopératives, les banques, les chambres d’agriculture, mais aussi les anciens exploitants jouent tous un rôle dans cette transition. Chaque maillon doit devenir facilitateur d’entrée plutôt que gardien d’un modèle figé. Car sans cette évolution collective, les ambitions européennes resteront théoriques.
Une affaire de tous
À travers ces signaux, le message est clair : le renouvellement des générations ne se décrète pas, il se construit. Il passe autant par la vision politique de Bruxelles que par la capacité des acteurs de terrain à inventer de nouvelles formes de partenariat, plus souples et plus inclusives.
Des stratégies comme celle de la Commission européenne donnent la direction. Des décisions comme celle de Tereos montrent le chemin. Et c’est bien en conjuguant ces deux échelles d’action — institutionnelle et concrète — que le monde agricole pourra, demain, redonner envie d’entreprendre la terre.