
Mardi, au Sénat, les débats autour de l'article 13 du projet de loi d'orientation agricole ont suscité de vives tensions. Cet article vise à dépénaliser les atteintes non intentionnelles à la biodiversité, une mesure qui divise profondément les parlementaires. Alors que la gauche a tenté, sans succès, de faire supprimer cet article, la majorité sénatoriale, soutenue par le gouvernement, a choisi de renforcer cette disposition controversée.
Une « dépéna lisation » qui interroge
L'article 13 prévoit de remplacer les sanctions pénales actuellement en vigueur – trois ans d'emprisonnement et une amende de 150 000 euros – par une simple amende administrative de 450 euros lorsque les atteintes à la biodiversité ne sont pas intentionnelles. Cette modification a été vivement critiquée par les sénateurs écologistes, à l'image de Daniel Salmon, qui a dénoncé ce qu'il considère comme "un permis de détruire la biodiversité".
De leur côté, les défenseurs de l'article, comme le rapporteur Laurent Duplomb (LR), estiment que la mesure apporte davantage de proportionnalité. Selon lui, les agriculteurs, souvent sanctionnés pour des infractions mineures, se sentent injustement traités comme des délinquants. Il a comparé cette nouvelle approche à un stationnement interdit sanctionné par une amende, arguant que des erreurs administratives sans impact majeur sur l'environnement ne devraient pas relever du pénal.
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a rappelé que le droit pénal repose sur le principe d’intentionnalité et qu'il n’y avait pas lieu de déroger à cette règle en matière environnementale. Elle a affirmé que l’objectif n’était pas de banaliser la destruction de la biodiversité. L'intentionnalité, a-t-elle précisé, restera évaluée par les juges.
Une opposition écologiste virulente
Le ton est monté dans l’hémicycle, notamment lors des interventions écologistes. Yannick Jadot, sénateur écologiste, s’en est pris durement à la majorité sénatoriale et au gouvernement, accusés de sous-estimer l'urgence de la crise écologique. "On ne peut pas être dans le négationnisme de l’effondrement de la biodiversité", a-t-il déclaré, déclenchant des réactions indignées sur les bancs de la droite.
Le sénateur LR Pierre Cuypers, exploitant agricole, a vivement réagi, défendant le monde agricole qu’il estime injustement attaqué. La ministre Genevard, de son côté, s'est efforcée de tempérer les débats en soulignant le caractère non intentionnel des cas envisagés par l'article 13. Elle a donné l’exemple d’un accident impliquant un animal protégé, pour illustrer la nécessité d'introduire une mesure de "proportionnalité".
Un débat exacerbé
Les échanges se sont envenimés lorsque certains sénateurs ont dénoncé l’utilisation du terme "négationnisme". Yannick Jadot, accusé implicitement de banaliser un terme historiquement chargé, s’est défendu vigoureusement, affirmant que ses propos avaient été déformés. Ce moment de vive confrontation a marqué le débat, amplifiant les dissensions déjà présentes.
Une extension critiquée
Sur le fond, l'article a été modifié pour étendre la dépénalisation à d'autres réglementations, notamment celles relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette extension a été jugée "dangereuse" par plusieurs voix, y compris celle de la ministre Genevard, qui a mis en garde contre les risques constitutionnels de cette modification. La possibilité, pour l’administration, d'imposer un stage de sensibilisation aux fautifs a également été supprimée, jugée "infantilisante" par Laurent Duplomb.
Malgré ces ajustements, l’article 13 continue de susciter des inquiétudes et pourrait être remis en question lors des prochaines étapes du processus législatif. La charge symbolique de ce débat reflète les divergences profondes entre les priorités environnementales et les considérations pragmatiques du monde agricole.