En 2025, un changement discret mais stratégique s’invite dans la gestion des exploitations agricoles : la haie, cet élément souvent oublié ou négligé, entre dans le calcul des aides européennes. Avec la nouvelle version de la PAC, les agriculteurs peuvent désormais bénéficier d’un bonus haies pouvant aller jusqu’à 20 €/ha. Cette mesure vise à récompenser ceux qui entretiennent ces précieux corridors écologiques. Encore faut-il bien comprendre les conditions pour en bénéficier.
Pourquoi la haie revient sur le devant de la scène ?
Autrefois omniprésente dans les paysages ruraux, la haie a été progressivement arrachée au fil de l’intensification agricole. Elle prenait de la place, gênait les machines, compliquait la gestion des parcelles. Pourtant, les bénéfices qu’elle procure à l’agriculture sont aujourd’hui de mieux en mieux reconnus. Elle abrite insectes auxiliaires, oiseaux, chauves-souris, protège les cultures du vent, limite l’érosion des sols et ralentit le ruissellement des eaux de pluie.
Avec le réchauffement climatique et la fragilisation des sols, les haies s’imposent comme des alliées de la résilience agricole. En les réintégrant dans la PAC, l’Union européenne choisit de récompenser les pratiques paysagères qui s’inscrivent dans une logique de durabilité. Ce n’est plus une option esthétique ou militante, c’est un choix stratégique.
Ce qu’il faut comprendre du “bonus haies”
Le “bonus haies” n’est pas une prime autonome versée à tous les exploitants disposant de haies. Il s’agit d’un complément au paiement de l’écorégime, une des grandes nouveautés de la PAC post-2023, qui récompense les pratiques agricoles jugées bénéfiques pour l’environnement.
Trois voies permettent d’entrer dans cet écorégime :
- Les pratiques agricoles (rotation, couverture des sols, diversité des cultures, etc.)
- La certification environnementale (type HVE)
- Les MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques)
Le bonus haies vient en supplément pour les exploitants qui atteignent certains critères de présence et de gestion durable de leurs haies. C’est une façon de pousser les agriculteurs à préserver ou replanter ces structures boisées.
“Gestion durable” : qu’est-ce que ça signifie concrètement ?
La simple présence de haies ne suffit pas. Pour prétendre au bonus, il faut pouvoir démontrer que les haies sont gérées durablement. Cela signifie que leur entretien suit un cycle respectueux de la biodiversité, sans coupes trop fréquentes ni arrachages non justifiés. La haie doit pouvoir se régénérer, accueillir la faune, et contribuer à la structuration paysagère.
La gestion durable peut s’appuyer sur :
- Un plan de gestion écrit, à l’échelle de l’exploitation ou du territoire.
- Une inscription dans une charte régionale de bonnes pratiques.
- Les MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques)
Ce sont ces documents ou engagements qui permettront de justifier l’éligibilité lors de la déclaration PAC
Comment s’y prendre pour bénéficier du bonus ?
La démarche peut sembler technique, mais elle suit une logique progressive. Voici les étapes clés pour sécuriser ce paiement :
- Identifier les haies présentes sur votre exploitation, en vous appuyant sur des outils comme le RPG (Registre Parcellaire Graphique) ou les cartographies des chambres d’agriculture.
- Vérifier leur état, leur continuité, leur diversité et s’assurer qu’elles n’ont pas été récemment dégradées.
- Mettre en place une gestion durable, ou intégrer une démarche labellisée. Des structures régionales peuvent vous accompagner dans cette étape.
- S’assurer que la surface occupée par les haies représente au moins 6 % de votre SAU (Surface Agricole Utile) et des terres arables.
- Déclarer précisément les haies dans Télépac, en joignant les justificatifs demandés (certificats, plans de gestion, engagements MAEC...).
Attention : la déclaration correcte des haies dans le RPG est un point souvent négligé mais essentiel. Une haie non cartographiée ou mal déclarée risque de ne pas être prise en compte, même si elle est bien gérée.
Un bonus qui peut faire la différence
Prenons un exemple concret : une exploitation céréalière de 100 hectares, avec 6 hectares en haies bien entretenues et déclarées. Le bonus haies, s’il est accordé à hauteur de 20 €/ha sur l’ensemble de la SAU, représenterait 2 000 € de plus dans le portefeuille de l’agriculteur. Une somme qui, bien que modeste à l’échelle d’un revenu global, peut participer au financement de l’entretien, voire de la plantation de nouvelles haies.
Au-delà de l’aspect financier, cette reconnaissance donne une vraie légitimité aux agriculteurs qui entretiennent leur paysage. Ils deviennent acteurs de la transition écologique, sans renoncer à la viabilité économique de leur modèle.
En résumé
Le bonus haies est un signal fort en faveur d’une agriculture plus paysagère et résiliente. Il récompense les exploitants engagés dans une gestion durable de leurs haies. Il nécessite rigueur, traçabilité et une bonne déclaration PAC. Il ouvre aussi la voie à des financements pour la plantation ou la restauration de haies.
Et si vos haies devenaient plus qu’un simple élément du décor ? Prenez le temps de les inventorier, de les valoriser, et d’en faire un levier pour votre exploitation.