
Les événements climatiques extrêmes et les tensions géopolitiques majeures, notamment au Proche-Orient, secouent les marchés agricoles mondiaux, provoquant une augmentation significative des prix des grains, notamment du blé, qui atteint son niveau le plus élevé depuis cet été.
Sébastien Poncelet, analyste spécialisé chez Argus Media France, résume la situation : "Le marché des grains est en effervescence."
Mercredi, le prix du blé, utilisé principalement pour la production de pain, dépassait les 230 euros la tonne pour l'échéance de décembre sur les marchés européens, une première depuis plus de deux mois. À la Bourse de Chicago, le blé a franchi la barre des 6 dollars le boisseau (environ 27 kg), un seuil inédit depuis mi-juin. Le maïs, de son côté, a également grimpé à son plus haut niveau depuis la fin juin.
Selon Jack Scolville de Price Futures Group, "le maïs profite de la hausse du blé, mais l'essentiel des achats est lié au dernier rapport sur les stocks publié par le ministère américain de l'Agriculture (USDA)."
Facteurs climatiques et tensions géopolitiques en jeu
Ce rapport trimestriel de l'USDA a révélé des stocks de maïs américains plus faibles que prévu, bien qu'ils aient augmenté de 29 % par rapport à l'année précédente.
Les experts s'accordent pour dire que la flambée des prix est due à un ensemble de facteurs climatiques et géopolitiques. Parmi eux, les sécheresses en Australie et en Russie, ainsi que l'escalade des tensions au Proche-Orient. "L'attaque de missiles de l'Iran contre Israël a ravivé les inquiétudes quant à un possible embrasement dans la région, ce qui a entraîné une hausse des prix du pétrole. Cela affecte directement les marchés des matières premières agricoles", explique Sébastien Poncelet.
Cependant, l'élément le plus préoccupant reste la sécheresse qui sévit dans la région de Voronej, en Russie, une zone clé pour la production de blé et de betterave. Mardi, la Russie a déclaré l'état d'urgence, permettant aux agriculteurs de bénéficier d'une aide financière et de faire valoir leurs assurances. "Les semis hivernaux avancent à un rythme extrêmement lent en raison de conditions de sécheresse. Dans certaines zones, les fermiers sont contraints de semer dans la poussière, tandis que d'autres attendent la pluie", précise Andrey Sizov, directeur général de SovEcon, un cabinet d'analyse spécialisé dans les marchés de la mer Noire.
Le Sud de la Russie, première région productrice de céréales, est également durement touché par des tempêtes de poussière liées à la sécheresse.
Des perspectives incertaines pour les céréaliers mondiaux
La baisse des prévisions de production en Australie et en Argentine, à cause des conditions climatiques sèches, contribue également à la hausse des prix. Michael Zuzolo, analyste chez Global Commodity Analytics and Consulting, observe que cette situation pourrait entraîner des tensions accrues sur l'offre mondiale de grains et d'oléagineux dans les régions de la mer Noire et de la mer Baltique.
En parallèle, la grève des dockers dans les grands ports des côtes Est et Sud des États-Unis pourrait aggraver la situation. Bien que cette grève n'ait pas encore eu d'impact significatif sur les prix des céréales, elle pourrait perturber les échanges de denrées périssables si elle se prolonge. Selon Zuzolo, "si la grève persiste, les produits les plus périssables seront les premiers à voir leurs prix baisser. Cependant, les matières premières comme le blé pourraient continuer à grimper si la sécheresse persiste dans les principales régions productrices."
Enfin, les mouvements spéculatifs des fonds d'investissement sur les marchés des matières premières, notamment sur le blé, accentuent également cette dynamique haussière, ajoute Damien Vercambre du cabinet Inter-Courtage.
L’évolution des prix des grains dans les mois à venir dépendra donc largement de l’évolution des conditions climatiques dans les grandes régions productrices et de l'issue des tensions géopolitiques, particulièrement au Proche-Orient.